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mercredi 10 décembre 2014

Marianne Blanchard

© 2014 François Guyon & Meghane Schevènement
12 août 2014

Marianne Blanchard est née en 1984. Membre fondateur et hyper-actif du Club de Gym (organisation de concerts entre autres), organisatrice du festival de sérigraphie Papiers Raclés, elle vient de co-signer Le manuel de la sérigraphie avec Romaric Jeannin aux éditions Eyrolles.



"Ton premier souvenir de concert ?

Didier Lockwood au festival Jazz à Couches, en Saône-et-Loire ; j’étais au collège là-bas, à la campagne. 
J’ai trouvé ça très beau, mais très long, j’ai fini par m’emmerder. J’avais des amis plus agés qui étaient dans la musique, je fréquentais un prof de piano et son pote violoncelliste, ils avaient plus de connaissances musicales que moi, ils nous trainaient ma soeur et moi à des soirées-concerts ou à leurs propres concerts, ils aimaient le jazz et nous avaient emmenées à cette date.

Premier concert que tu as apprécié ?

Il faut remonter vraiment loin, c’est super dur ! [rires] 
C'était à la péniche de Chalon-sur-Saône vu que je faisais mon lycée au Creusot et qu'il ne s’y passait rien, on devait aller là-bas.
C’était les Bellrays, je devais avoir environ 17 ou 18 ans je crois… 

A l’époque, j'allais voir beaucoup de concerts punk dans les garages ou dans les petites scènes de campagne, des copains qui jouaient, c’était n’importe quoi mais j’aimais beaucoup… Un cadre plus officieux et punk… peut-être que ce sont ces concerts-là plutôt. J’ai quelques titres qui me reviennent mais les noms de groupes, c’est difficile… Si, Les Bouchures ! (preuve en images ici) Il y avait d'ailleurs Jé qui est maintenant batteur dans le groupe Pauwels !

Premier groupe local qui t'a marqué ?

Hawaii Samurai je crois… les Texas Mongols faisaient leur première partie. C'était il y a 9 ans environ, je pense, à l’entrepôt, pour ce fameux faux dernier concert, on n'a jamais su si c’était vraiment le dernier ou pas. Le bassiste des Texas, Max, bavait en même tant qu’il jouait, Zombie tenait à peine debout, ils avaient assuré un set d’enfer, génial. Il y avait eu les Rebel Assholes au Temple Bar, rue Proudhon, il y a 8 ou 9 ans aussi.

Premier disque local qu'on t'a offert, que tu as acheté, piqué, emprunté, trouvé... ou autre ?

J’ai très envie de me lever pour aller fouiller ma boîte à cd’s, mais je vais essayer de faire ça de tête. Je crois que c’est dans un autre milieu musical, un CD d'Unitone qui m’avait été offert par Pierre, le guitariste, avec qui je trainais au début de mes années bisontines. En disque plus rock’n’roll, ça va être une compilation Mighty Worm je crois…

Le concert en région qui t'a le plus marqué ? 

Je vais en choisir un plutôt récent mais qui m’a vraiment beaucoup touché. C’était à la Rodia : Bob Brozman, décédé il n'y a pas longtemps, qui jouait son blues en one-man-band avec sa guitare : très humain, très intéressant, qui parlait beaucoup de langues différentes, qui nous parlait en français et en anglais sur scène. 

Il a énormément donné au public, il était entier, je crois que c’est le concert le plus franc, le plus honnête et le plus humain que j’ai eu l’occasion de voir. 

Une histoire racontée après par un grand fan lyonnais de Bob Brozman, à confirmer : apparemment il aurait eu des gros problèmes de dos, qui l’empêchaient de jouer, et il se serait suicidé. J’ai trouvé ça vraiment émouvant.
Après que ce lyonnais m'ait raconté ça, la discussion avait donc continué par la question « connaissez-vous des gens qui seraient capables de se suicider parce qu’ils ne serait plus capables de faire leur art ? ». Là, je me suis rendu compte que j’en connaissais beaucoup. Enormément de gens ne vivent quasiment que pour ça ; tu leurs retires, ça devient dur, que ce soit musique, arts plastiques ou autre. Ca fait réfléchir. Bob Brozman faisait partie de ces gens. 

Bob Brozman donc.


Une anecdote à partager ?

Par hasard, au début du Club de Gym, je croise Jérémy dans le train, ami de lycée, qui habitait aussi au Creusot - pauvres de nous [rires de Marianne et de deux membres de Pauwels, arrivés entre-temps à vélo depuis Mulhouse en uniformes de cyclistes] - que je n’avais pas vu depuis quelques années. 

On échange un peu pendant le trajet, je lui dis que j’organise quelques concerts, il me dit qu’il a un groupe qui s’appelle Pauwels. 
"- Tu organises quoi prochainement ? 
- Pneu, mais on n'a pas de première partie, envoie moi ce que tu fais, et si ça le fait on vous fait jouer.
- Putain ça serait trop bien, on adore tous Pneu, ça serait l'occase, super cool !"

Il m’envoie donc quelques morceaux, les premiers qu’ils avaient mis sur youtube, l'amour monstre, etc... [un des deux Pauwels présents rajoute : "enregistrés au Zoom H4, dégueu"] 
J’ai eu un gros coup de coeur pour leur musique, on les a donc fait jouer une fois par an depuis cette date aux PDZ...

Ton implication dans la scène locale ?

Le premier mot qui me vient à l’esprit, c’est le plaisir que ça apporte d’organiser quelque chose, de le faire avec des gens qu’on aime, des groupes qu’on aime, et de faire découvrir ça au public ; c’est quelques sacrifices aussi, mais il faut bien, on les fait avec - encore une fois - plaisir… 
La liberté que l'on a grâce à notre activité associative, de pouvoir inviter des artistes, de partager ces moments avec eux et avec le public bisontin qui est souvent curieux et qui a envie de découvrir ou redécouvrir ces groupes que nous apprécions, musicalement et bien sûr humainement aussi.

Le Club de Gym ? 

J’étais là dès la création. Je trainais avant avec des gens d’autres assos qui existaient déjà : Uppertone, Mighty Worm, le Bastion, je n’organisais pas forcément, mais je donnais des coups de pattes. 

Au départ je me cherchais musicalement, je découvrais avec ces associations, pas forcément les styles qu’eux s’appropriaient : funk, soul, electro, hip hop, j’ai toujours écouté beaucoup de choses en fait. 

Par rapport à l’asso, quand on l’a montée, on avait envie d’être du côté large du rock’n’roll, de la noise surtout. Il n’y avait pas d’asso noise-rock à l’époque, même si les gens du bastion s’y connaissaient bien, certains même en jouaient déjà, on avait envie de monter ça pour faire découvrir la musique noise-rock, souvent un peu barrée, aux gens de besac. 

On a fait notre première soirée à la Cour des Miracles, un soir de février 2011 après la création de l'asso fin 2010. Apéro-mix avec un pote, Leibovitz, un truc très varié : de l’électro, du hiphop, du rock, de la noise dans tous les sens, on s’est amusés à mixer tout ça. Et après Zo aka La chauve-souris, plus dans l’électro-trip-hop-hip-hop puis The Barbers  - je crois que ça n’existe plus, le chanteur est dans Black Woods maintenant.

A la base, j’ai fait des études sur les sérigraphes et le rock, les cultures alternatives et indépendantes. Mon but, c’était d’arriver dans le milieu en "presque-chercheuse", comprendre les tenants et les aboutissants, les constructions sociales, musicales, etc... Plutôt un boulot de sociologue, musicologue, historienne de l’art. C’était dans un cadre d’études d’histoire de l’art, un master pro et recherche, section grandes mutations culturelles et artistiques ; tu pouvais choisir ton sujet de l’antiquité à nos jours, c’est très large. J’ai choisi les affiches de concert rock et tout ce qui va avec, je me suis éclatée. J’ai donc étudié ça pendant 4 ans. Pendant ce temps-là, il y a eu la création du Club de Gym et toutes ses activités, la création du festival Papiers Raclés, qui rentrait aussi dans mon cursus. Ma vie professionnelle, mes études et ma vie associative, tout ça reste dans le même domaine, c’est super enrichissant, c’est génial.

Je travaille donc avec des gens qui font des affiches, et si j’en ai fait aussi, c’est petit à petit, par la force des choses, pour Papiers Raclés, pour le manuel, pour apprendre aux gens comment on fait, comment ça fonctionne, j’ai appris avec Romaric. Quand je fais aujourd’hui de la sérigraphie, c'est rarement mes propres dessins, ça demande du temps, il faut aussi avoir le matériel, et comme je suis occupée sur d’autres choses, je n’en fais pas beaucoup. Mais j’aimerais bien imprimer plus souvent mes dessins, c’est vraiment cool à faire. 

Dans l’idéal, j’aimerais continuer à faire ce que j’aime, je viens de finir un bouquin, j’ai une expérience associative de plus de 4 ans, j’ai dans mes petites poches et mes petits bagages la création d’un festival pérenne et mes diplômes ; maintenant, j’aimerais pouvoir continuer à faire ça, mais en échange d’un salaire, construire une carrière… L’avenir du Club de Gym dépendra du mien, vu que j’y suis très investie, je ne suis pas seule bien sûr, mais je gère une bonne partie. Si j’ai le temps, ça continuera comme c’est : petits concerts dans les bars, de temps en temps un truc à la Rodia, et puis le festival Papiers Raclés dans la ville de Besançon.

Qu'est ce que tu fous là ?

Parce que j’organise des événements à Besançon liés effectivement au mouvement alternatif indépendant rock et je suis, comme les autres, investie dans ce mouvement. Et j’ai conscience, comme vous, que c’est un vrai mouvement.

Le mot de la fin ?

C'est bien de montrer ce qui se passe dans le mouvement maintenant, il faut dire aussi que ce n’est pas nouveau, ça fait des décennies que c’est comme ça, ça n'est pas près de s’arrêter, et heureusement. Grâce à vous, nous, aux lieux, petits lieux, tous les gens actifs là-dedans sont importants. Encore une fois, je réutilise le terme de liberté. Liberté qui nous est de plus en plus enlevée, ou comprimée dans des cases, des règles, au fil des années, qui sont parfois très stupides, qui ne respectent pas la réalité des choses.


Continuons ! Globalement, continuons !"



Des trucs qui passaient sur la platine de Marianne pendant qu'on papotait :