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samedi 8 novembre 2014

Loïc Hervé, dit Mötley, dit Bobite, dit Loki H

© 2014 François Guyon & Meghane Schevènement




17 juillet 2014


Né un dimanche de 1981, exactement entre les deux tours des élections présidentielles, Mötley est sondier, guitariste et parfois bassiste (ça lui permet de soigner son cancer du rythme et de remédier à l'ablation de son groove). Originaire du Creusot, il a débarqué à Besançon en 2002. 
Quand il a besoin de manger, il bosse sur de grosses tournées de variété (backliner-technicien son pour Frédéric François, Christophe Maé, Aldebert ou Alpha Blondy, régie retour pour Jane Birkin) ; il a aussi fait la façade pour des groupes comme Karelia. 
C'est également lui qui a mixé et enregistré Tempus Fugit pour le Cirque Plume (CD et DVD). 
Quand il ne se prend pas pour Slash, il fait des crêpes ou des fondants au chocolat qui déchirent, il fait du catch avec Tina, son petit chat qui grandit vite, ou il regarde l'Arme Fatale 3.



"Ton premier souvenir de concert ?

Mes débuts d'éducation musicale, je les ai eus grâce à ma grande soeur qui a 5 ans de plus que moi.  Elle m'a emmené voir un concert dans un bar au Creusot, le guitariste s'appelait Rinaldo Serpi : il donnait des cours à l'époque, et il avait sa réputation en ville.

Premier concert que tu as apprécié ?

Le deuxième que j’ai vu, c'était Deep Purple, le 2 septembre 1996 au Palais des Sports, c'était la première fois que je mettais les pieds à Besançon. Je ne connaissais que l'album In Rock et quelques autres tubes par ma frangine.  Avant d'aller au concert, on est allé boire des canons au Seven, bien avant que ça soit renommé Red House.

Je commençais à m'intéresser aux guitaristes, et Steve Morse m'a carrément giflé. C’était quoi ce mec avec une guitare que je ne connaissais pas ? C'est quoi cette guitare bizarre avec quatre mécaniques au dessus et deux en dessous ? Je connaissais pas Music Man… Ce mec ! C’est seulement quelques années après, quand j'ai commencé à m'intéresser à des musiques plus techniques, que son nom m'est revenu dans la gueule. Ah ouais, tiens, il est bon, lui ! 

Un mois plus tard, j'allais voir Metallica, qui était à l'époque mon groupe préféré, à la halle Tony Garnier à Lyon. Leur grand retour, tournée Load, j'y étais allé avec un pote : énorme, ils avaient mis le paquet !

Premier groupe local qui t'a marqué ?

Alchemy ! Mais c'est du local du Creusot…
C’est avec eux que j'ai fait mon tout premier 4 titres pendant mon BTS audiovisuel. La première année de cours était tellement théorique, tu n’apprenais rien de pratique. Mes premières bases techniques, d'enregistrement et de mixage, je les ai apprises avec eux. Equipé d'un 4 pistes K7 et d’une petite console de merde, on utilisait des pédaliers de guitare pour la réverb et les effets une fois que c'était enregistré.

Mais en local, ici, à part ceux qui m'ont fait bosser comme TèFéÔ ou Groovy Baby Funky Boost, il n'y a pas vraiment de groupes qui m'ont éclaté.  Je n'ai jamais été giflé musicalement par un groupe du coin. Sur le plan humain, il y a par contre tellement de monde…

Premier disque local qu'on t'a offert, que tu as acheté, piqué, emprunté, trouvé... ou autre ?

Ca devait TèFéÔ. Rencontrés sur une date à Vesoul pendant mon stage chez Trafic Musique, je venais juste d’arriver dans le coin. En fait, la scène, c'était une semi. Une simple Semi. Même pas avec un bout rajouté devant, non, ils avaient juste tiré les trucs, et le groupe jouait dedans, en long. C’est avec eux que j’ai découvert que je voulais bosser dans le live.
Par hasard je leur ai refait le son au Bar de l’U quelques mois plus tard. Comme ça s'était super bien passé, musicalement, professionnellement, humainement, ils m'ont proposé de bosser avec eux. Ca a duré 6 ans.

Leur album, ils ne l'ont pas fait avec moi, mais j’étais allé écouter des sessions de mixage et j’ai été un des premiers à l’avoir. Ca devait être en 2002 ou 2003.

Le concert en région qui t'a le plus marqué ? 

Deep purple en 96…
Sinon, Scorpions le lendemain de l'ouverture de l’Axone à Montbéliard, j'ai pas vu le concert, je bossais avec Karelia pour la première fois, le groupe qui faisait la première partie. C’était pas la grosse claque mais un grand moment de vie. J'ai donc fait la teuf après avoir bossé, j'ai lâché la grosse pression, peut-être vu un ou deux morceaux de Scorpions, mais je me rappelle plus vraiment… [rires] Une grande soirée ! 

Dans les trucs qui m’ont marqué en mal : Renaud. Quand j'étais gosse, je l’adorais, et j'ai du le voir trois fois en concert à Besac : les trois fois j'ai été ultra déçu.
Je bossais donc je n'y allais pas vraiment en tant que fan, mais c'était des moments que j'attendais, forcément. 
C’est pas un grand chanteur, mais quand même, merde, il pourrait faire des efforts. Y’a des morceaux que je kiffe, comme « chez la mère à titi », ça me faisait chier de les voir massacrer ça comme ça. Et puis les vannes qu'il sortait entre les morceaux… J’étais encore naïf, je ne savais pas qu'un artiste de variété sort tous les jours les mêmes trucs, et malgré ça, j'ai capté tout de suite que c'était téléphoné, super mal joué, ça m'a bouffé une bonne partie de la magie du spectacle.

Une anecdote à partager ?

Il y a ce mec : Ivan Jacquin, que je ne connais que de nom et en photo. C’est un gars de la région. Je suis ami sur facebook avec lui, on a échangé quelques messages, on ne s'est jamais rencontrés. Ce mec a joué et joue encore avec mes meilleurs potes du Creusot… Je ne suis même pas sûr que ce mec là n'ait même pas chanté dans Alchemy vers la fin, le groupe dont je parlais tout à l’heure.
Après Alchemy, avec le batteur, le guitariste et un autre bassiste, ils reprenaient du Deep Purple, ils avaient fait un 4 titres. Aujourd'hui il a un groupe de métal prog : Psychanoïa, avec le batteur et le guitariste de mon tout premier groupe, quand j'avais 15 balais, mes potes de lycée, ceux avec qui j'ai commencé la musique ! 
Ce mec, qui habite à même pas 20 bornes, connait tout les gens que je connais, ceux avec qui je bosse et joue avec mes potes d'enfance ! Et malgré tout ça je ne l’ai jamais rencontré ! Je trouve ça assez impressionnant toutes ces coïncidences…

Ton implication dans la scène locale ?

Comme je disais, j’ai bossé avec TèFéÔ, musique très intéressante, et même si les mauvaises langues disent que c'était de la musique pour pucelles wawaches, croyez-moi, elles n’étaient pas toutes pucelles ! [rires]  Ca groovait, bien funky, c’était assez riche avec plein de trucs visuels qui mettaient le feu en festival. 

Les Groovy Baby Funky Boost, ils étaient 9 à faire de la funk bien rock, je m'éclatais musicalement. Y’avait du boulot avec autant de micros à gérer, c'est pas comme tous les groupes d'aujourd'hui où les producteurs veulent faire des groupes de deux ou trois personnes pour les caler dans un camion avec le régisseur et le matos, que ça coûte le moins cher possible. Mais putain de merde, c'est pas ça la musique ! Quand est-ce que les groupes vont se remettre à improviser ou jouer en fonction de comment ils se sont levés le matin ? S’ils se sont fait sucer au réveil, s'ils ont bien fait caca ? Quand j'écoute un live de Clapton, Led Zep ou Van Halen, les morceaux ne sont jamais joués pareil, tu as ce feeling ! Pour moi, c'est ça la musique ! C’était quoi la question, déjà ?

Ah oui ! Je bosse aussi avec mon pote Benny, du Cirque Plume. C’est grâce à lui que j'ai enregistré Tempus Fugit. Avec son groupe Benny Joke, on a déjà fait deux 4 titres. Un style blues / rock / prog, parfois jazz, world music, toujours une mélodie vocale présente avec une bonne grosse voix bien grave. Ce mec est hyper talentueux, très grande richesse, beaucoup de feeling, on a bon espoir de faire quelque chose de bien : ça fait un an et demi qu’on bosse là-dessus.
C’est toujours difficile d’avoir les moyens de faire les choses bien. Et ça veut dire aussi prendre le temps. C’est dommage, parce que dans la musique tout se fait à l'arrache maintenant, on place pas la spontanéité au bon moment, ça doit arriver au moment où ça joue, les mecs doivent être bien. 
La petite choriste du tout premier 4 titres qu’on a fait avec Benny, c’est Claire de Clara Yucatan. On s’est donc rencontrés juste avant son premier disque, et comme ça se passait bien, c'est moi qui leur ai fait leur 5 titres.

Je ne travaille plus vraiment pour des groupes locaux, à part Blackwater, où des fois je remplace Titigros, j'aime bien ce groupe…

Il y a énormément de monde dans le son ici, alors je laisse la place aux autres et je fais des tournées. Ok, je travaille avec Frédéric François, mais c'est une bonne place, ça remplit le frigo, même si je remets tout en cause tous les 6 mois et que j'ai envie de me tirer, parce que j'ai besoin de nouveauté et de challenge. J’ai jamais fait le forcing pour m’imposer ici. Et je ne comprends pas les salaires des grosses salles du coin, je veux pas bosser pour ce prix. Je vais par contre bosser pour moins cher que ça pour un petit groupe, parce que je me fais plaisir. Pour un gros truc, tu exiges de dormir dans des putain d’hôtels : c'est normal avec tout l'argent qui est généré.
Quand je partais avec des groupes plus petits, on logeait dans des gites, tu devais des fois dormir avec ton pote, à la guerre comme à la guerre. Si je prends mon pied, je vais m'arracher le cul et être le meilleur. Si je trouve ça bof, et qu'en plus, y'a pas de pognon à la clef, j'ai pas vraiment envie d'y aller. Tu as des plans argent, et des plans plaisir. Quand tu peux essayer d'avoir les deux, c'est là que c'est le top... 


Le premier concert sur lequel tu as bossé ?

Des petites scènes de fête de la musique à Dijon, une espèce de festival, pas très intéressant. Juste après, on est partis sur un festival à Parigny-les-Vaux, vers Nevers, il y avait eu ce groupe : Faubourg de Boignard, truc un peu celtique. J’avais été super marqué par le guitariste, qui jouait avec un capteur midi ; il avait une gueule de Jimmy Page, un feeling monstrueux. J’étais tout puceau dans le métier, mais je suis quand même allé le voir et je lui ai dit "vous me faites trop penser à Jimmy Page" ! Il m'a répondu un truc du genre "t'es gentil et tout, mon gamin », il n’en avait rien à foutre… Et six ans après, ce mec là, je le retrouvais : c'est le guitariste de Benny Joke : Bernard Montrichard, un super pote maintenant. Pour tous les trucs que je veux enregistrer, je vais chez lui, il a de très bonnes pièces dans son studio. 

On parlait des coïncidences qui t’emmènent à retrouver les gens, tu vois... Je suis pas forcément croyant, mais des fois, je sais pas… [rires] Je commence à croire de plus en plus aux énergies qui se mêlent, s’entremêlent, les gens qui s'attirent et qui s'éloignent... Tout ce qui est de ce genre de trucs louches, tu vois ! [rires]


Ton parcours musical ?

6 mois de groupe, 17 ans de branlette et je m'y remets depuis pas longtemps ! Gamin, j’écoutais Renaud puis j'ai commencé à rentrer dans la chambre de ma frangine pour écouter Bad de Michael Jackson, le 45T de Purple Rain de Prince et le 33T de la BO des Doors. Un apprenti du resto de mes parents m'avait fait écouter AC/DC, j'aimais bien. Sinon Bob Marley ou Jimmy Cliff… 

A 14 ans, j'ai vu le clip de You Could Be Mine des Guns à la télé, celui avec Schwarzenegger, et quand est apparu Slash, ça a été la révélation. Je voulais faire de la guitare. On a monté un groupe avec mes potes, reprendre du Metallica, et faire aussi quelques compos. Ca a duré un an, et je suis parti en internat. Musicalement, ils étaient plutôt, et sont toujours, dans le métal prog, très fan de Dream Theatre, de musiques très alambiquées, alors que j’étais plutôt dans le rock / hard rock : Guns’n’Roses, Aerosmith… 
A 18 ans, j’écoutais Malmsteen, Satriani, je tentais de jouer vite, faire du tapping ou autre, mais j’ai pas persisté. Plus tard, j’ai beaucoup fait de buffs. Avec le lighteux de TèFéÔ, quand les balances étaient finies, il prenait la basse, je prenais la gratte. J’adore improviser. J’ai recommencé à jouer y'a un peu plus d'un an, avec mon pote Pinpin, et l'ancien bassiste de TèFéÔ, on a voulu monter un truc. Mais bon, à 30 balais, les gens commencent à avoir des gosses, c'est pas toujours évident. Je dis toujours : si tu veux faire du rock, il vaut mieux travailler avec un drogué qu'avec un père. [rires] Alors un drogué qui est père de famille tu laisses tomber, c'est même pas la peine, il sera jamais là ! [rires] Sinon, je joue pas mal avec mon pote Philou, le saxophoniste de Prowpuskovic, qui était dans les Groovy Baby Funky Boost. 
Et j'ai encore un autre truc, mais je crois que j'ai pas trop le droit d'en parler pour le moment, c'est une sorte de surprise…


Qu'est ce que tu fous là ?

Peut-être parce que c'est ma trente-troisième et année et peut-être la dernière ? [rires] 
Il parait que je suis assez interpelant au premier abord comme ça. Les gens parlent, et même si je ne bosse pas beaucoup sur la région, on sait comment je travaille parce que le peu de trucs que je fais, c'est des trucs intéressants, comme le Magic Mirror (et ça n'existe malheureusement plus) du Festival de Musique Classique de Besançon : c’était vachement classe, super console, de bons groupes, un public qui a une oreille assez aguerrie. 
A Besançon, c'est pas compliqué : ceux qui me font bosser, ce sont les bons techniciens, comme mon mentor Le Corse, comme Le Gaiffe, Titigros, le Gaminos, et puis des bons zikos comme Bernard Montrichard, Blackwater, voilà... Et tout ça pour en revenir à votre question. Peut-être pour ma gueule ? Avant que je ne me reconvertisse dans le catch ? (Dans « catch », y'a chat, tu as déjà remarqué si tu inverses les lettres ?) Y’a pas que le rock dans mon look, le catch, c'est super important pour moi. J’adorais, étant gosse : le Ultimate Warrior, Shawn Michaels, Texas Tornado, toutes ces gueules de David Lee Roth bodybuildés. I’l n’y a donc aucun hasard à ce que je me retrouve être fan de Van Halen ou Led Zep, que je me retrouve avec cette gueule-là. Finalement., ça n'a été qu'un long chemin depuis le début.... [rires]

Le mot de la fin ?

Vous savez ce qu’on écoute là ? Jeff Beck, le patron des patrons. Le mec est jamais juste, mais jamais faux, et c'est toujours beau... Faire vivre une note, toutes ses notes, la quintessence… Ca me fout des frissons, il fait vibrer ses notes d'une façon spécifique, les étire et les attaque d'une façon particulière, peut leur donner 50 couleurs différentes. Tous les guitaristes, on est toujours a avoir des grands débats à savoir qui pisse le plus loin, mais quand on parle de Beck, on est à peu près tous d'accord sur le bonhomme…
Le mot de la fin, c'est ça. Beck, c'est le patron.
Non, justement, c'est dur de trouver un mot de la fin, on a parlé de spontanéité. C'est ça, la spontanéité. C’est quand c'est spontané que c'est le meilleur, comme dans le cul. Dans un couple, quand t'as plus de spontanéité, que tu programmes de baiser à une heure précise, c’est le début de la fin. La fin, normalement, doit venir avec spontanéité. La spontanéité. Ce sera le mot de l'interview.


Liens utiles pour comprendre de quoi on a parlé :

Des trucs qui passaient sur la platine de Mötley pendant qu'on papotait :



(Pour l'anecdote, Mötley a découvert Koritni quand il travaillait avec Karelia, les deux groupes ayant partagé la scène)