16 août 2014
François est né à Besançon en 1985. Exilé à Vesoul juste après, il lui aura fallu 18 ans pour arriver à refaire difficilement les cinquante malheureux kilomètres qui le séparaient de sa ville natale. En 2006, il prend la direction de Lyon pour ne faire demi-tour qu'en 2014. Co-fondateur de Tale Of Two Cities, il est juste passionné de photographie et de musiques sombres.
"Ton premier souvenir de concert ?
Allez savoir si c’est un souvenir ou un truc imaginé parce qu’on me l’a raconté après : je suis pas bien vieux, dans une poussette, et je revois un petit tambour, sur la place de Vesoul.
Je me souviens de ce gamin, avec qui j’ai joué longtemps après dans un orchestre d’harmonie, il devait avoir 10 ou 12 ans peut-être, il faisait partie de cette fanfare, j’avais été très impressionné qu’il joue déjà avec des adultes. Je pense que ma fascination pour les musiciens vient de là.
Premier concert que tu as apprécié ?
Premier concert typé musiques-actuelles qui m’a marqué, c’était du death metal, le groupe s’appelait Mordor [rires] ; sur l’affiche, l’orga de ploucs avait écrit ça Moredore, les cons…
Une concentration de harley-davidson en Haute-Saône, une copine jouait dans le groupe, je devais être en seconde ou en première. Une connaissance du lycée, un grand, un terminale, m’avait emmené là-bas en caisse, ultralooké, new-rocks et tout le bordel. Il avait de petites lunettes rondes super épaisses, il avait vraiment besoin de ces trucs, ça tachait grave avec son look, mais il ne pouvait pas vivre sans.
Il a commencé à pogoter pendant ce concert évidemment, jusqu'au moment où il s’est pris une baffe d’un type qui faisait pas gaffe à ce qu’il faisait, les lunettes ont volé, avec tout ce public de bikers qui sautait partout, qui piétinait ses carreaux…
On est restés après pour les chercher, elles étaient là, sur la terre battue, un verre complètement défoncé, qu'on a été obligé de faire sauter de la monture et masquer avec un carton de feuille à rouler zigzag jaune pour qu’il puisse se concentrer sur le deuxième verre.
On est rentrés à deux heures du mat’, petites routes de campagnes à deux à l’heure, avec un brouillard de fou, sangliers et tout ce que tu voulais. Ca doit être le premier souvenir à classer dans les musiques actuelles. Je l’ai apprécié parce que c’était ma première sortie. Musicalement, je peux pas dire que c’était mon délire, même si j’aimais bien ça à l’époque…
Par contre, mes vraies premières claques, ça a été Truffaz dans les jardins de l’abbaye de Cluny, quelques années après et Quelques Fiers Mongols, dans le cloître, un brass band avec un orgue de barbarie qui faisaient des reprises de Led Zep complètement arrachées, ça jouait méchamment bourrin, ultra fort, ultra puissant, chouette souvenir.
Le tromboniste m’avait complètement scotché, imagine-toi les solos de Jimmy Page au trombone. Kashmir m’avait particulièrement marqué, j’adorais cette chanson, on l’écoutait sur le jukebox du Café Français de Vesoul pendant mon adolescence, et comme je faisais du trombone à l’époque, me rendre compte que ce titre pouvait déchirer aussi sans guitare, c'était une révélation.
Premier groupe local qui t'a marqué ?
Violet Stigmata.
Je devais avoir 15 ou 16 ans. On trainassait avec mon pote Ben dans les rares rayonnages musicaux un peu dark de Campus à Vesoul, un des deux disquaires de l’époque - maintenant il n’y en a même plus - surement un mercredi après-midi. Dans le rayon goth, très maigre, du Bauhaus, Einstürzende Neubauten, Skinny Puppy, quelques trucs du genre.
Et là, Ben trouve une pochette : The Violet Stigmata Project. On connait pas, on jette un oeil, la pochette a l’air cool, ça a l’air bien classe, 55 francs, le Ben fait péter la tirelire, on écoute ça, énorme. Je ne l’ai pas entendu depuis des siècles, mais à l’époque, c’était fabuleux, je serais curieux de savoir comment ça a vieilli. J’ai réécouté certains de leurs albums il y a peu de temps, toujours aussi cool, mélange de batcave et d’électro bien bon.
En lisant la pochette : putain, il y a une adresse. Putain, c’est à quelques pas de chez mes parents. On fonce, rue du moulin des prés, au numéro indiqué : gros immeuble, on matte les sonnettes. Forcément, ils n’avaient pas écrit Violet Stigmata sur l’interphone. On ne les a jamais rencontré. On entendait parfois parler de cette bande de goths un peu plus agés que nous, mais impossible de les croiser…
Le première fois où je les ai vus, c’était à Lyon, en 2004, concert au Marché Gare avec Spetsnaz et Amduscia (bof et bof). Il a fallu attendre 2014 pour que je rencontre Céline, la clavieriste - qui vit toujours dans le coin - mais en Suisse pour un weekend chez un ami commun, je n’avais aucune idée du fait qu’elle serait là, gros hasard… Il y a des trucs qui te poursuivent, le monde est petit, je l’avais pourtant vue au Bataclan, à la Loco (aujourd’hui devenue la Machine du Moulin Rouge je crois), sur des grosses scènes, et je me retrouve à boire des verres avec elle à 6h du matin dans un appartement en regardant la neige tomber.
Premier disque local qu'on t'a offert, que tu as acheté, piqué, emprunté, trouvé... ou autre ?
Ben voilà, tu l’as l’histoire. C’est ça, Violet Stigmata. A la même période, je ne sais pas lequel est arrivé en premier, mais Ben m’avait passé également une cassette d’un groupe de Vesoul qui s’appelait Heimdall, une sorte de goth-rock-metal-je-sais-pas-quoi, qui ressemblait vaguement aux premiers albums de Theatre of Tragedy, l’époque où leur son était bien lourd, typé black-metal. J’aimais bien cette cassette, j’ai surement dû l’écouter jusqu’à ce que la bande soit morte…
Premier que j'ai acheté, par contre, c'était le split CD d'Herpès de Crachat de Fillette avec LGB.
Le concert en région qui t'a le plus marqué ?
2003, ou 2004 ? Juin. Pontcey, au Moulin : le Noxious Art Festival. Festival electro-hardcore-EBM et assimilés, musiques violentes. Je crois que Division Alpha avait joué cette année-là.
Et Punish Yourself, le concert avait commencé au bout de la nuit, salement retardé, la salle n’était pas aux normes pour recevoir autant de monde je crois. Je me demande s’il n’y avait pas eu une histoire en début de soirée, avant que j’arrive, du genre arrivée de la préfecture et des flics qui veulent faire évacuer tout le monde, je ne sais pas comment ça a été négocié pour faire repartir le festival.
Toujours est-il que ça a joué, en retard, dans cette grange pourrie, avec de la poussière qui tombait du plafond droit sur ta tronche à cause des infra-basses de cinglés (je me souviens d’un squelette accroché au plafond d’ailleurs). Les fluos jouaient en dernier, je crois qu’il commençait à faire jour quand on est ressortis, couverts de sueur, de poussière et du body-painting des Punish Yourself qui étaient descendus dans le public. Et surtout complètement sourds. Assez mythique parce que tellement irréel.
Une anecdote à partager ?
En local, je n’ai pas grand chose à raconter, je suis parti il y a déjà un bon moment d'ici et je viens à peine de rentrer. Peut-être, pour revenir à Punish Yourself, au Cylindre de Larnod.
Leurs concerts étaient assez violents, Vx était déchainé ce soir-là, le public aussi, on était au premier rang, devant cette grande grille de chantier que 6 ou 8 mecs peinaient à maintenir plus ou moins en place, tout le monde grimpait dessus, la secouait dans tous les sens. A un moment le chanteur a escaladé la grille, ses rangers ont ripé pour venir s’encastrer en plein dans la figure de ma compagne. Elle est donc repartie avec une trace de pas bleue imprimée sur la tronche qu’elle a malheureusement trainée quelques jours.
Ton implication dans la scène locale ?
Dans la scène musicale locale, je n’en ai jamais vraiment eue, je me suis investi dans des trucs quand j’étais à Lyon, mais ici j’ai juste filé des coups de main à droite à gauche au fil du temps, pas grand chose.
Je suis juste un mec du public. J’aime rester spectateur pour pouvoir témoigner. Il y a déjà beaucoup de choses ici, j’aime regarder ce qui se passe, voir comment les choses évoluent, comment les gens se réunissent, observer cette petite fourmilière bisontine, son va et vient.
Le rock’n’roll local m’a beaucoup marqué quand j’étais adolescent, je regardais tous ces types, ça me faisait rêver de devenir comme eux. A l’asylum, tu croisais des vraies tronches, ces types avaient la classe du point de vue d'un adolescent fraichement débarqué de Haute-Saône.
Dans ces gueules, certaines ont disparues, on en revoit d’autres. J’ai simplement aujourd’hui envie de fixer dans le temps ce qui se fait maintenant pour ne pas oublier les gens présents. Simplement parce que je ne l’ai pas fait il y a dix ans et que je le regrette.
Les types lookés m’ont toujours impressionné - mon premier souvenir relatif date de Vesoul, un punk à grande crête rose assis sur les marches des halles, avec une veste en jeans, des patchs et des clous. J’avais bien senti que ça dérangeait un peu mon père. Et si ça dérangeait mon père, un mec impressionnant, alors il devait y avoir matière à réfléchir, on vient d’effleurer quelque chose du bout du doigt, ça mérite de s’y attarder.
Et je m'attarde là-dessus depuis vingt ans, finalement… J’ai toujours cherché à comprendre ces codes, à m’en rapprocher. L’Asylum, c’était une sorte de chelsea hôtel de banlieue cul-terreuse, il suffisait de s’asseoir et de regarder, tu étais sûr de voir tel ou tel mec de tel groupe, il fallait juste ouvrir les yeux, c’était assez fascinant.
Qu'est ce que tu fous là ?
J’ai une mémoire pourrie, je ne me souviens de quasiment aucun nom de groupe que j’y ai vu jouer - sauf Herpès de Crachat de Fillette, bien sûr, un nom comme ça, ça ne s’oublie pas et leurs concerts non plus - et j’en suis un peu triste. Alors pour éviter de reproduire ça, d’oublier encore, j’ai eu envie de créer ce projet. Une sorte d’hommage aux tronches du coin, dont la plupart m’a marqué sans même que je les connaisse.
Si ce projet avance, c’est grâce aussi à cette rencontre, c’est compliqué de bosser seul, j’avais besoin de quelqu’un qui connaisse la scène locale actuelle, j’étais exilé depuis trop longtemps pour m’y remettre. Quelqu’un qui soit capable techniquement de bosser dans le même sens que moi, on est bien tombé finalement.
C’est un plaisir de travailler à deux. Et c’est agréable de bosser avec une femme, les sensibilités sont différentes, les avis ne sont pas toujours partagés, ça a le mérite de poser des questions, de pouvoir régulièrement se remettre en question.
Ce projet est là simplement comme un hommage à la scène. Je ne me fais aucun soucis pour l’avenir culturel de Besançon, il y aura toujours des gens pour venir s’installer ici ; tous les ans, la rentrée universitaire apporte sa vague de nouveaux petits rockers qui va reconstruire un nouveau paysage musical. J’ai l’impression que les générations n’ont pas trop de mal à se mélanger ici, il n’y a pas trop de clivages, l’ambiance est détendue, et même si les goûts musicaux changent, l’ambiance reste la même. Il y a des choses qui se passent ici, il y a des assos qui se bougent le cul pour faire vivre tout ça, pour que Besançon reste un bastion français du rock’n’roll, c’est quelque chose que tu ne trouves pas ailleurs, pas comme ça.
Le mot de la fin ?
C’est un boulot qui commence, on ne peut pas le clôturer, j’espère qu’on fera encore beaucoup de belles rencontres. Merci aux rockeurs d'ici et à l’ambiance du coin.
Au suivant."
François est né à Besançon en 1985. Exilé à Vesoul juste après, il lui aura fallu 18 ans pour arriver à refaire difficilement les cinquante malheureux kilomètres qui le séparaient de sa ville natale. En 2006, il prend la direction de Lyon pour ne faire demi-tour qu'en 2014. Co-fondateur de Tale Of Two Cities, il est juste passionné de photographie et de musiques sombres.
"Ton premier souvenir de concert ?
Allez savoir si c’est un souvenir ou un truc imaginé parce qu’on me l’a raconté après : je suis pas bien vieux, dans une poussette, et je revois un petit tambour, sur la place de Vesoul.
Je me souviens de ce gamin, avec qui j’ai joué longtemps après dans un orchestre d’harmonie, il devait avoir 10 ou 12 ans peut-être, il faisait partie de cette fanfare, j’avais été très impressionné qu’il joue déjà avec des adultes. Je pense que ma fascination pour les musiciens vient de là.
Premier concert que tu as apprécié ?
Premier concert typé musiques-actuelles qui m’a marqué, c’était du death metal, le groupe s’appelait Mordor [rires] ; sur l’affiche, l’orga de ploucs avait écrit ça Moredore, les cons…
Une concentration de harley-davidson en Haute-Saône, une copine jouait dans le groupe, je devais être en seconde ou en première. Une connaissance du lycée, un grand, un terminale, m’avait emmené là-bas en caisse, ultralooké, new-rocks et tout le bordel. Il avait de petites lunettes rondes super épaisses, il avait vraiment besoin de ces trucs, ça tachait grave avec son look, mais il ne pouvait pas vivre sans.
Il a commencé à pogoter pendant ce concert évidemment, jusqu'au moment où il s’est pris une baffe d’un type qui faisait pas gaffe à ce qu’il faisait, les lunettes ont volé, avec tout ce public de bikers qui sautait partout, qui piétinait ses carreaux…
On est restés après pour les chercher, elles étaient là, sur la terre battue, un verre complètement défoncé, qu'on a été obligé de faire sauter de la monture et masquer avec un carton de feuille à rouler zigzag jaune pour qu’il puisse se concentrer sur le deuxième verre.
On est rentrés à deux heures du mat’, petites routes de campagnes à deux à l’heure, avec un brouillard de fou, sangliers et tout ce que tu voulais. Ca doit être le premier souvenir à classer dans les musiques actuelles. Je l’ai apprécié parce que c’était ma première sortie. Musicalement, je peux pas dire que c’était mon délire, même si j’aimais bien ça à l’époque…
Par contre, mes vraies premières claques, ça a été Truffaz dans les jardins de l’abbaye de Cluny, quelques années après et Quelques Fiers Mongols, dans le cloître, un brass band avec un orgue de barbarie qui faisaient des reprises de Led Zep complètement arrachées, ça jouait méchamment bourrin, ultra fort, ultra puissant, chouette souvenir.
Le tromboniste m’avait complètement scotché, imagine-toi les solos de Jimmy Page au trombone. Kashmir m’avait particulièrement marqué, j’adorais cette chanson, on l’écoutait sur le jukebox du Café Français de Vesoul pendant mon adolescence, et comme je faisais du trombone à l’époque, me rendre compte que ce titre pouvait déchirer aussi sans guitare, c'était une révélation.
Premier groupe local qui t'a marqué ?
Violet Stigmata.
Je devais avoir 15 ou 16 ans. On trainassait avec mon pote Ben dans les rares rayonnages musicaux un peu dark de Campus à Vesoul, un des deux disquaires de l’époque - maintenant il n’y en a même plus - surement un mercredi après-midi. Dans le rayon goth, très maigre, du Bauhaus, Einstürzende Neubauten, Skinny Puppy, quelques trucs du genre.
Et là, Ben trouve une pochette : The Violet Stigmata Project. On connait pas, on jette un oeil, la pochette a l’air cool, ça a l’air bien classe, 55 francs, le Ben fait péter la tirelire, on écoute ça, énorme. Je ne l’ai pas entendu depuis des siècles, mais à l’époque, c’était fabuleux, je serais curieux de savoir comment ça a vieilli. J’ai réécouté certains de leurs albums il y a peu de temps, toujours aussi cool, mélange de batcave et d’électro bien bon.
En lisant la pochette : putain, il y a une adresse. Putain, c’est à quelques pas de chez mes parents. On fonce, rue du moulin des prés, au numéro indiqué : gros immeuble, on matte les sonnettes. Forcément, ils n’avaient pas écrit Violet Stigmata sur l’interphone. On ne les a jamais rencontré. On entendait parfois parler de cette bande de goths un peu plus agés que nous, mais impossible de les croiser…
Le première fois où je les ai vus, c’était à Lyon, en 2004, concert au Marché Gare avec Spetsnaz et Amduscia (bof et bof). Il a fallu attendre 2014 pour que je rencontre Céline, la clavieriste - qui vit toujours dans le coin - mais en Suisse pour un weekend chez un ami commun, je n’avais aucune idée du fait qu’elle serait là, gros hasard… Il y a des trucs qui te poursuivent, le monde est petit, je l’avais pourtant vue au Bataclan, à la Loco (aujourd’hui devenue la Machine du Moulin Rouge je crois), sur des grosses scènes, et je me retrouve à boire des verres avec elle à 6h du matin dans un appartement en regardant la neige tomber.
Premier disque local qu'on t'a offert, que tu as acheté, piqué, emprunté, trouvé... ou autre ?
Ben voilà, tu l’as l’histoire. C’est ça, Violet Stigmata. A la même période, je ne sais pas lequel est arrivé en premier, mais Ben m’avait passé également une cassette d’un groupe de Vesoul qui s’appelait Heimdall, une sorte de goth-rock-metal-je-sais-pas-quoi, qui ressemblait vaguement aux premiers albums de Theatre of Tragedy, l’époque où leur son était bien lourd, typé black-metal. J’aimais bien cette cassette, j’ai surement dû l’écouter jusqu’à ce que la bande soit morte…
Premier que j'ai acheté, par contre, c'était le split CD d'Herpès de Crachat de Fillette avec LGB.
Le concert en région qui t'a le plus marqué ?
2003, ou 2004 ? Juin. Pontcey, au Moulin : le Noxious Art Festival. Festival electro-hardcore-EBM et assimilés, musiques violentes. Je crois que Division Alpha avait joué cette année-là.
Et Punish Yourself, le concert avait commencé au bout de la nuit, salement retardé, la salle n’était pas aux normes pour recevoir autant de monde je crois. Je me demande s’il n’y avait pas eu une histoire en début de soirée, avant que j’arrive, du genre arrivée de la préfecture et des flics qui veulent faire évacuer tout le monde, je ne sais pas comment ça a été négocié pour faire repartir le festival.
Toujours est-il que ça a joué, en retard, dans cette grange pourrie, avec de la poussière qui tombait du plafond droit sur ta tronche à cause des infra-basses de cinglés (je me souviens d’un squelette accroché au plafond d’ailleurs). Les fluos jouaient en dernier, je crois qu’il commençait à faire jour quand on est ressortis, couverts de sueur, de poussière et du body-painting des Punish Yourself qui étaient descendus dans le public. Et surtout complètement sourds. Assez mythique parce que tellement irréel.
Une anecdote à partager ?
En local, je n’ai pas grand chose à raconter, je suis parti il y a déjà un bon moment d'ici et je viens à peine de rentrer. Peut-être, pour revenir à Punish Yourself, au Cylindre de Larnod.
Leurs concerts étaient assez violents, Vx était déchainé ce soir-là, le public aussi, on était au premier rang, devant cette grande grille de chantier que 6 ou 8 mecs peinaient à maintenir plus ou moins en place, tout le monde grimpait dessus, la secouait dans tous les sens. A un moment le chanteur a escaladé la grille, ses rangers ont ripé pour venir s’encastrer en plein dans la figure de ma compagne. Elle est donc repartie avec une trace de pas bleue imprimée sur la tronche qu’elle a malheureusement trainée quelques jours.
Ton implication dans la scène locale ?
Dans la scène musicale locale, je n’en ai jamais vraiment eue, je me suis investi dans des trucs quand j’étais à Lyon, mais ici j’ai juste filé des coups de main à droite à gauche au fil du temps, pas grand chose.
Je suis juste un mec du public. J’aime rester spectateur pour pouvoir témoigner. Il y a déjà beaucoup de choses ici, j’aime regarder ce qui se passe, voir comment les choses évoluent, comment les gens se réunissent, observer cette petite fourmilière bisontine, son va et vient.
Le rock’n’roll local m’a beaucoup marqué quand j’étais adolescent, je regardais tous ces types, ça me faisait rêver de devenir comme eux. A l’asylum, tu croisais des vraies tronches, ces types avaient la classe du point de vue d'un adolescent fraichement débarqué de Haute-Saône.
Dans ces gueules, certaines ont disparues, on en revoit d’autres. J’ai simplement aujourd’hui envie de fixer dans le temps ce qui se fait maintenant pour ne pas oublier les gens présents. Simplement parce que je ne l’ai pas fait il y a dix ans et que je le regrette.
Les types lookés m’ont toujours impressionné - mon premier souvenir relatif date de Vesoul, un punk à grande crête rose assis sur les marches des halles, avec une veste en jeans, des patchs et des clous. J’avais bien senti que ça dérangeait un peu mon père. Et si ça dérangeait mon père, un mec impressionnant, alors il devait y avoir matière à réfléchir, on vient d’effleurer quelque chose du bout du doigt, ça mérite de s’y attarder.
Et je m'attarde là-dessus depuis vingt ans, finalement… J’ai toujours cherché à comprendre ces codes, à m’en rapprocher. L’Asylum, c’était une sorte de chelsea hôtel de banlieue cul-terreuse, il suffisait de s’asseoir et de regarder, tu étais sûr de voir tel ou tel mec de tel groupe, il fallait juste ouvrir les yeux, c’était assez fascinant.
Qu'est ce que tu fous là ?
J’ai une mémoire pourrie, je ne me souviens de quasiment aucun nom de groupe que j’y ai vu jouer - sauf Herpès de Crachat de Fillette, bien sûr, un nom comme ça, ça ne s’oublie pas et leurs concerts non plus - et j’en suis un peu triste. Alors pour éviter de reproduire ça, d’oublier encore, j’ai eu envie de créer ce projet. Une sorte d’hommage aux tronches du coin, dont la plupart m’a marqué sans même que je les connaisse.
Si ce projet avance, c’est grâce aussi à cette rencontre, c’est compliqué de bosser seul, j’avais besoin de quelqu’un qui connaisse la scène locale actuelle, j’étais exilé depuis trop longtemps pour m’y remettre. Quelqu’un qui soit capable techniquement de bosser dans le même sens que moi, on est bien tombé finalement.
C’est un plaisir de travailler à deux. Et c’est agréable de bosser avec une femme, les sensibilités sont différentes, les avis ne sont pas toujours partagés, ça a le mérite de poser des questions, de pouvoir régulièrement se remettre en question.
Ce projet est là simplement comme un hommage à la scène. Je ne me fais aucun soucis pour l’avenir culturel de Besançon, il y aura toujours des gens pour venir s’installer ici ; tous les ans, la rentrée universitaire apporte sa vague de nouveaux petits rockers qui va reconstruire un nouveau paysage musical. J’ai l’impression que les générations n’ont pas trop de mal à se mélanger ici, il n’y a pas trop de clivages, l’ambiance est détendue, et même si les goûts musicaux changent, l’ambiance reste la même. Il y a des choses qui se passent ici, il y a des assos qui se bougent le cul pour faire vivre tout ça, pour que Besançon reste un bastion français du rock’n’roll, c’est quelque chose que tu ne trouves pas ailleurs, pas comme ça.
Le mot de la fin ?
C’est un boulot qui commence, on ne peut pas le clôturer, j’espère qu’on fera encore beaucoup de belles rencontres. Merci aux rockeurs d'ici et à l’ambiance du coin.
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